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Tout ce qu’on ne nous dit pas sur le post-partum

« On prépare un accouchement, pas un tremblement de terre. Et pourtant, c’est parfois ce qui suit la naissance. »

Cette série d’articles s’intéresse à la périnatalité, ce vaste territoire qui s’étend du désir d’enfant aux trois premières années de vie. Après avoir exploré les bouleversements liés à la grossesse, penchons-nous sur cette période souvent taboue : le post-partum.

Qu’est-ce que le post-partum ? Bien plus que « l’après »

Le post-partum commence en salle d’accouchement… et peut durer trois ans.

On parle parfois du « quatrième trimestre », ou encore du « mois d’or ». Mais en réalité, cette période n’a pas de durée fixe. Elle se prolonge souvent jusqu’à la fin de l’allaitement… ou jusqu’à ce que l’enfant fasse ses nuits. Parfois, jusqu’à ce que la mère retrouve un semblant d’équilibre.

Le post-partum n’est pas qu’une convalescence physique : c’est un remaniement profond de la vie psychique, relationnelle, corporelle, identitaire

Les grands absents du discours public : douleur, fatigue, solitude

On parle de miracle de la vie. Moins souvent de la chute hormonale, des nuits blanches et de la peur de mal faire.

Oui, avoir un enfant est une immense joie… quand tout va bien. Mais même dans les meilleures conditions, le corps est marqué, l’énergie est en berne, la liberté réduite, la responsabilité écrasante.

Ce qu’on tait trop souvent :

  • La fatigue extrême, qui déforme la perception du réel. Dormir devient un luxe. Et paradoxalement, plus on est épuisée, plus l’endormissement devient difficile.
  • La charge mentale, surtout au premier enfant, avec un quotidien bouleversé, une logistique inédite, un isolement qui s’installe. Certaines femmes n’osent même plus sortir par peur que leur bébé tombe malade, et finissent par se couper du monde.
  • Le couple, mis à rude épreuve. Les moments à deux deviennent rares, la communication se tend, les repères changent.
  • La sexualité, impactée par la douleur, les transformations corporelles, la peur, le manque de désir. Le corps a été traversé, médicalisé, parfois abîmé. Il lui faut du temps pour redevenir un espace de plaisir.
  • La représentation du corps : certaines femmes se sentent dépossédées de leur féminité, vues uniquement comme mères. Et certains partenaires ont du mal à réconcilier l’image de la femme et celle de la mère.
  • La psyché, bousculée par ce nouvel être à aimer, qui réveille des souvenirs d’enfance, des blessures enfouies, des loyautés invisibles.

La pression invisible : faire, bien faire, trop faire

Bienvenue dans la maternité multitâche : bonne mère, bonne compagne, bonne cuisinière, bon corps, bonne humeur. Bonne chance

Les femmes qui deviennent mères ne cessent de se comparer à une image fantasmée de la maternité. Elles se disent qu’elles ne font « pas assez bien » : ni pour le bébé, ni pour leur couple, ni pour leur maison, ni pour elles-mêmes.
Le risque ? Le sacrifice de soi. Mettre entre parenthèses ses besoins, son corps, son équilibre. Oublier qu’on ne peut pas donner sans se recharger.

Trop de conseils tuent le bon sens… et la confiance

Entre les mères, les grand-mères et Instagram, difficile d’écouter sa propre voix.

Chaque femme reçoit son lot de recommandations : contradictoires, culpabilisantes, parfois absurdes. À cela s’ajoutent les influenceuses de la parentalité, qui vendent des solutions toutes faites à coups de stories bien cadrées.

Résultat : au lieu de se sentir épaulée, la mère se sent dépassée et seule.

Et la mère dans tout ça ? Invisible dès que le bébé naît

Pendant la grossesse, on demande à la mère comment elle va. Après la naissance, on ne regarde plus que le bébé.

Le changement est brutal : tout tourne autour du nourrisson. Les besoins de la mère passent au second plan. Elle devient un moyen au service de l’enfant, une sorte de décor nourricier.
Et pourtant, une mère soutenue, c’est un bébé mieux accompagné.

Une société peu protectrice : l’isolement est un risque

Il faut tout un village pour élever un enfant. Mais où est passé le village ?

Comme le rappelle Boris Cyrulnik, l’isolement social des mères est un facteur de risque majeur.
Autrefois, les jeunes mères étaient entourées par leurs mères, leurs sœurs, leur communauté. Aujourd’hui, elles sont souvent seules. Les grands-mères habitent loin, les pères reprennent vite le travail, les amies sont occupées.

Et une femme seule, fatiguée, sans relais ni soutien, peut avoir du mal à s’attacher à son bébé, à ressentir du plaisir, à se sentir compétente.

Baby blues ou dépression ? Apprendre à repérer les signes

Être triste après un accouchement, c’est fréquent. Mais quand la tristesse s’installe, il faut agir.

Le baby blues touche 70 à 80 % des femmes. Il dure quelques jours, le temps que les hormones redescendent.
Mais si la tristesse persiste au-delà de 10 à 15 jours, si l’épuisement devient une spirale, il ne faut pas banaliser : il peut s’agir d’une dépression post-partum.

Parler, pour soulager. Témoigner, pour libérer.

Ce qu’on cache fait mal. Ce qu’on partage peut déjà apaiser.

La sociologue Illana Weizman, à travers le hashtag #monpostpartum et son livre Notre post-partum, a recueilli des milliers de témoignages. Elle montre combien cette période est encore invisible, minimisée, et combien les images parfaites véhiculées dans les médias aggravent le sentiment de solitude et d’échec.

Parler de cette période difficile, c’est :

  • légitimer ce qu’on traverse,
  • briser l’isolement,
  • reprendre confiance en soi,
  • atténuer la honte et la culpabilité.

Préparer l’après, c’est aussi prendre soin de l’avenir

Mieux informer, c’est déjà mieux soutenir.

Toutes les femmes ne vivent pas leur post-partum de la même façon. Il n’y a pas de norme. Il y a des corps, des histoires, des contextes, des douleurs et des joies, toutes singulières.

Ce que l’on peut faire, en revanche, c’est :

  • préparer cette période avec plus de lucidité,
  • déculpabiliser les mères,
  • reconnaître le besoin de soutien,
  • et mettre en lumière ce qui reste trop souvent dans l’ombre