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Quand la grossesse secoue le corps… et l’esprit

« Avoir un enfant, c’est parfois tout sauf simple. Derrière chaque grossesse, une traversée intérieure. »

Depuis plus de 15 ans, en tant que psychologue spécialisée en périnatalité, j’accompagne des femmes pour qui le chemin vers la maternité est semé d’embûches. Difficultés à concevoir, parcours de PMA, grossesse médicalement compliquée, accouchement traumatique ou post-partum éprouvant… Autant de trajectoires uniques, parfois invisibles, mais profondément bouleversantes.

Chaque femme entame, à sa manière, un véritable voyage. Un voyage qui transforme le rapport au corps, au temps, à l’enfant, au couple, à soi-même. Car la périnatalité – du désir d’enfant aux trois premières années de vie – est une période où se rejouent bien plus que des événements biologiques.

Dans cette série en trois volets, je vous propose de traverser ces étapes sensibles. Aujourd’hui, cap sur la grossesse et ses zones d’ombre.

« Est ce que je vais être une bonne mère ? » — Quand les injonctions minent la joie

On ne naît pas mère. On devient une version de soi-même que personne n’a encore rencontrée.

La grossesse est souvent présentée comme une période radieuse. Mais pour beaucoup de femmes, elle est aussi un vertige. Un changement d’identité en gestation. Avec lui, surgissent les doutes, les peurs, les questionnements.

Alors que chez l’homme, l’appréhension d’être père porte surtout sur les aspects logistiques et/ou financiers, chez les femmes que je reçois, la crainte essentielle tourne autour de la compétence d’être une bonne mère : « vais-je être une bonne mère ? ».

Mais au fond, c’est quoi une « bonne mère », selon qui ? Selon quoi ?

Les injonctions sont multiples : allaiter, être douce, disponible, en forme, informée, écologique, être présente sans être trop fusionnelle, reprendre le travail mais sans culpabiliser, prendre soin de son corps et ne pas oublier son couple, concilier carrière, vie de famille et vie sociale … et surtout, garder le sourire. Une sorte de perfection maternelle qui se heurte au réel.

Les réseaux sociaux n’aident pas : ils véhiculent une image idéalisée de la maternité, laissant peu de place aux doutes. Cette pression permanente peut freiner l’élan naturel de la future maman et assombrir cette période si particulière.

L’anxiété pendant la grossesse : des facteurs multiples, une même solitude

Ce n’est pas juste un bébé qui grandit. C’est un monde intérieur qui vacille.

L’anxiété pendant la grossesse n’est pas rare. Elle peut être accentuée par plusieurs facteurs :

  • Un premier enfant, vécu comme un saut dans l’inconnu.
  • Une grossesse tardive, avec plus de conscience des risques… et parfois le fantasme de « l’enfant qui va réparer ».
  • Un contexte de vie fragile : deuil, précarité, isolement, séparation.
  • Le fait de faire un bébé seule, sans soutien quotidien.
  • Une expérience antérieure difficile : accouchement traumatique, pathologie fœtale, interruption médicale de grossesse…

Chaque histoire est différente, mais une constante revient : le sentiment de solitude.
Car même bien entourée, une femme peut se sentir seule avec ce qu’elle traverse intérieurement.

Quand faut-il s’inquiéter ? L’angoisse normale… ou trop envahissante ?

Un peu de stress prépare. Trop de stress submerge.

Il est normal d’avoir des appréhensions pendant la grossesse, même pour un quatrième enfant. Le stress – à dose modérée – est même un moteur d’adaptation.
Mais lorsque le stress se transforme en une angoisse qui prend toute la place, qu’elle devient paralysante, qu’elle déborde sur les autres sphères de la vie ou s’accompagne de cauchemars, de pleurs fréquents ou d’idées noires, il est important de consulter.
D’autant que la tristesse pendant la grossesse reste un tabou.
On entend souvent :
«Mais tu devrais être heureuse, tu attends un heureux évènement, c’est merveilleux ! » ou encore « C’est normal d’être un peu stressée, ça va passer»
Pas forcément. Certaines femmes s’enfoncent en silence.

La surinformation : un faux allié

Trop de récits tuent l’écoute de soi.

Aujourd’hui, les femmes sont abreuvées d’informations : blogs, forums, vidéos, récits de maternité… Si certains partages font du bien, beaucoup peuvent au contraire générer confusion, culpabilité et angoisse.

Les témoignages négatifs sont souvent plus visibles que les positifs

C’est un biais naturel : on parle plus facilement de ce qui nous a blessées ou inquiétées que de ce qui s’est bien passé. Je le dis souvent à mes patientes :

Quand tout va bien, on vit. Quand ça va mal, on ressent le besoin de raconter.

Résultat : en ligne, on trouve une avalanche de récits difficiles, qui peuvent donner l’impression que la grossesse est un calvaire. Cela peut être très anxiogène pour une future mère, surtout si elle commence à douter de ses capacités ou à se comparer.
La future maman, noyée dans ce flot, se sent alors seule, incompétente ou dépassée. Plus elle cherche à bien faire, plus elle doute.

La grossesse n’est pas toujours rose, et c’est normal

Il est temps de lever le voile sur les réalités de la grossesse. Car on ne peut pas bien vivre ce qu’on n’a pas le droit de dire.

La grossesse n’est pas qu’un événement biologique. C’est une traversée psychique. Et dans cette traversée, le soutien psychologique peut faire toute la différence.

Dans les prochains articles, je vous parlerai :

  • du post-partum et des montagnes russes émotionnelles,
  • puis du lien mère-enfant, quand il tarde à se tisser ou se complique.