La nomophobie ou la souffrance 2.0

Vous aussi, il vous est déjà arrivé de ressentir de l’anxiété lorsque vous vous rendez compte que vous n’avez plus de batterie ou que vous ne trouvez plus votre smartphone ?
Cela porte un nom : la nomophobie, mot qui a fait son entrée dans le Petit Robert en 2017. Cette anxiété est à l’origine de l’apparition d’un nouveau trouble, spécifique aux smartphones. Le terme vient de la contraction de « no mobile phobia » et signifie une crainte obsédante et continuelle, de ne pas avoir son smartphone en état de marche avec soi. Et il faut savoir que 70% des français consultent leur smartphone toutes les 5 minutes.

Les dimensions de la peur

Quatre dimensions de la peur associée à la nomophobie ont été identifiées : l’incapacité à communiquer, la perte de connectivité, l’impossibilité d’accéder à de l’information, et enfin l’inaccessibilité aux commodités offertes par les smartphones. Au-delà de sa fonction d’appels téléphoniques, notre smartphone est un véritable cordon ombilical avec le monde extérieur. Il ne s’agit plus de simples appels ou sms mais de contacts continus, via les réseaux sociaux, avec des personnes plus ou moins proches (voire totalement inconnues…), mais avec lesquelles nous entretenons une sorte de « lien 2.0 ». Il s’agit aussi de connexions incessantes à notre boîte mail, à des sites d’informations ou des sites marchands, à des jeux en ligne ou à des applications à longueur de journée.

Le souci est la fréquence avec laquelle nous nous connectons et la place que prend le virtuel au détriment de la vraie vie et de ce qui nous fait du bien pour notre épanouissement et notre développement.

Une étude Belge avait déjà montré, il y a quelques années, que le smartphone représentait le « doudou des adultes » et que lorsqu’on en était privé, on ressentait des effets similaires à ce que ressentent les enfants qui perdent leur objet transitionnel.

Mais qu’en est-il vraiment ? Fin 2010, l’étude The World Unplugged (« Le monde débranché ») a demandé à 1000 étudiants issus d’une douzaine d’universités du monde entier de faire l’expérience de 24h de déconnexion médiatique.
Les résultats ont été univoques : une majorité d’étudiants a admis l’échec pur et simple de leurs efforts de déconnexion. Beaucoup d’entre eux se sont alors auto-déclarés addicts aux médias et technologies de communication numérique, et ont également souligné que l’accès constant à la technologie numérique faisait partie de leur identité personnelle. C’est même essentiel à la manière dont ils gèrent leur travail et leur vie sociale.
Ces résultats vont dans le sens des travaux de recherche de Hofmann en 2012. Parmi les multiples besoins et désirs que nous avons au quotidien (manger, boire, dormir, fumer, avoir des contacts sociaux, besoin d’hygiène, faire du sport…), le désir d’utiliser les médias (consulter ses e-mails, surfer sur le Web, aller sur les réseaux sociaux, regarder la télévision) est celui pour lequel notre capacité de résister serait la plus faible. Non seulement le désir d’utiliser les médias serait plus fort et plus fréquent dans une journée que, par exemple, le désir de tabac, mais il serait, en outre, plus difficile à contrôler que les désirs de manger ou d’avoir des activités sexuelles.

La nomophobie : une réelle addiction ?

Si l’addiction ne figure pas encore dans le DSM-V (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), référence internationale pour la plupart des psychiatres et psychologues, dans ma pratique je vois beaucoup de personnes qui font état d’une grande anxiété en rapport avec les réseaux sociaux et la consommation des médias en ligne. Chez les jeunes, l’usage intensif d’internet les amène à négliger leur travail scolaire et à entrer en conflit avec leurs parents, ce qui accroît leur anxiété.
Chez les adultes, j’entends des personnes me raconter qu’après une rupture amoureuse, elles vont sans cesse sur le profil de leur ex à l’affût du moindre renseignement, et qu’elles sont incapables de s’en empêcher jusqu’à 100 fois par jour ! ou encore que le premier motif de dispute avec leur conjoint est le smartphone.

Mais pourquoi a-t-on tellement de mal à décrocher de nos smartphones ? Plusieurs explications sont possibles :

Tout d’abord, il faut savoir que ces choses sont bien faites. Les notifications sur les réseaux sociaux, tout comme les points gagnés sur les jeux en ligne sont des sortes de gratifications. Elles représentent une véritable récompense qui va donner envie au consommateur de continuer à surfer et va déclencher la sécrétion de la dopamine, hormone du plaisir, dont le caractère addictif est très fort.
Ensuite, la disponibilité permanente des technologies fait qu’on a l’impression de ne pas pouvoir attendre pour avoir l’information. C’est ainsi que si à 1h du matin, on a envie d’acheter un livre, cela peut être fait en quelques clics… comme si cela ne pouvait pas attendre le lendemain.
Il ne faut pas négliger également l’attrait considérable des activités pratiquées et leur coût peu élevé : grâce à des centaines d’applications, on peut ainsi faire du sport en ligne, pratiquer la méditation, ou suivre l’évolution de sa grossesse en temps réel.
On a donc affaire à des véritables « addictions comportementales » à Internet comme l’explique le docteur Dr Mark Griffiths.
Celles-ci peuvent être définies comme une habitude répétitive dont l’individu a du mal à se soustraire et qui accroît le risque de maladie et est associée à des problèmes personnels ou sociaux. Elle est souvent ressentie négativement comme une perte de contrôle dans laquelle l’individu a conscience des risques psychologiques et sociaux.
Les chercheurs ont même mis en évidence le FOMO (Fear Of Missing Out) : la peur de rater quelque chose sur les réseaux, ou la crainte que d’autres puissent avoir des expériences plus enrichissantes que nous pendant que nous sommes absents. Une sorte de peur qu’il se passe quelque chose dans la cour de récré…

Vers la perte de l’estime de soi

Pour finir, cette addiction comportementale crée une perte de temps considérable qui mène à une faible estime de soi, « je suis nul… je ne suis même pas capable de m’arrêter ou de diminuer », qui revient souvent dans mes consultations. Bien souvent, ce qui semblait faire du lien entre nous et le monde, finit par nous isoler. Et si, au lieu de se connecter en ligne, nous prenions le temps de vivre dans le moment présent et de nous connecter… à nous-mêmes ?

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