C’est rare qu’on entende quelqu’un nous dire ça, encore plus rare qu’on l’avoue nous-mêmes si c’était le cas. Ça fait mauvais genre de ne « rien faire », je dirais même que c’est presque tabou.
Nous avons tous des emplois du temps chargés, répartis entre travail, couple, enfants, activités diverses, y compris celles liées au développement personnel qui nous prennent parfois beaucoup de temps.
Je remarque que les enfants que je reçois en consultation ont eux-aussi des tas d’activités et j’ai l’impression qu’on n’a pas le droit à la case vide dans notre agenda.
La société nous donne sans cesse des idées de « choses à faire », et personnellement, je n’ai jamais fait autant de choses que lorsque je me suis mise au Bullet journal* l’an dernier.
Nous faisons des listes : nos obligations, nos plaisirs, nos objectifs à moyen et long terme et c’est tout un programme. Notre smartphone y est pour beaucoup : la multiplication des applications qui sont censées nous faire gagner du temps (rechercher le meilleur tarif pour un voyage, trouver une place de parking, faire des séances de gym via des tuto) nous en fait perdre beaucoup en fin de compte, car nous sommes sans cesse en train de faire quelque chose. Et d’ailleurs, même quand nous croyons que nous ne « faisons rien », nous faisons souvent quelque chose : passer du temps sur les réseaux sociaux ou devant la télé est loin d’être un moment de pause car ce sont alors des milliers d’informations qui nous parviennent, même si on n’y prête pas attention.
Bien entendu, c’est essentiel d’être dans l’action, de se donner les moyens de réaliser ce qui est important pour nous, de boucler notre emploi du temps et de donner du sens à ce que nous y mettons. On éprouve une grande satisfaction à faire ce qu’on a projeté de faire, que ce soit une obligation (« une chose faite n’est plus à faire » dit-on) ou un plaisir.
Pour autant, il semblerait que notre cerveau ait besoin de pauses, de repos.
Nous savons depuis longtemps que le sommeil est important car il est réparateur, mais les moments de pause en journée le sont tout autant. Et ce pour plusieurs raisons :
- Quand on ne fait rien, une activité cérébrale de toute première importance, qui porte le nom de
« mode par défaut », se met en place. L’imagerie médicale a permis de mettre en évidence ce mode de fonctionnement qui est un moment où on laisse nos pensées vagabonder et qui permet de consolider notre mémoire. Le fait d’effectuer une pause permet de faire une synthèse entre les informations récentes provenant du monde environnant et les informations plus anciennes. C’est là que la pensée s’organise, que nos souvenirs s’ancrent véritablement et qu’on met de l’ordre dans notre tête.
Ces moments de pause nous sont indispensables pour créer notre histoire, sans quoi, on pourrait dire qu’il va nous « manquer des pages ». - Nous traversons une époque de sur-stimulation : réseaux sociaux, informations provenant sans cesse à la fois sur le plan visuel et auditif, réalisation de plusieurs tâches en même temps. D’ailleurs, le fait d’être multitâche, souvent perçu comme une qualité, représente en réalité une perte de temps considérable. Car à chaque fois que nous passons d’une activité à une autre dans un temps qui nous semble être simultané, il y a une perte de quelques nano secondes pour passer de l’une à l’autre, qui représente en fin de journée un temps considérable. En se laissant sans cesse être sur-stimulés, nous ne prenons pas suffisamment en compte nos besoins et nos capacités biologiques et psychologiques.
- Le repos est un moment qui permet l’inspiration, l’imagination, l’élaboration d’idées et l’espace de la créativité. Pour avoir des idées, il faut se poser. On ne peut pas trouver des bonnes idées quand on s’agite sans cesse. On n’arrive plus à faire le lien entre les différentes informations qu’on a emmagasinées si on est tout le temps occupé. Le repos et la déconnexion, à tous les sens du terme, c’est fondamental. Se reposer, c’est prendre du temps sans objectif précis et sans forcément avoir un loisir. Car c’est à ce moment-là que l’intelligence fait son travail. Nos plus grandes idées naissent de ces interruptions dans notre quotidien et non des moments où on court à droite à gauche. Les personnes créatives, les chefs d’entreprises ou encore les écrivains le savent, les idées naissent sous la douche, à la terrasse d’un café, lors d’une balade. On se dit souvent « si je ne galère pas et si ce n’est pas assez difficile, je n’obtiendrai rien » mais ce sont des pensées d’auto-sabotage car travailler dans le plaisir permet un tout autre résultat et en termes d’idées, ce n’est pas l’effort qui paye mais le repos.
Ce n’est pas pour rien que la méditation connait un regain d’intérêt. Si se laver tous les matins nous semble évident alors que ce n’était pas le cas au siècle dernier, je suis convaincue que la nécessité de prendre un temps pour soi et de déconnecter sera pour les générations futures une véritable hygiène de vie.
* Bullet journal est un système d’organisation de gestion de tâches crée initialement pour les entreprises et utilisé depuis environ un an par des particuliers. Un planning personnalisé qui booste nos emplois du temps. Faites un petit tour sur le net si vous ne connaissez pas encore.
Pour tout renseignement, prenez contact avec Claire Dahan – Psychologue Paris 13
1 Commentaire
Je trouve votre article absolument essentiel. Merci !
Commentaires fermés