Cher Père Noël, cette année je voudrais … moins de charge mentale !

Cela fait déjà quelques semaines que les femmes que je reçois à mon cabinet sont aussi cuites que le sera leur dinde : organisation des repas de fêtes avec les familles respectives, menus à penser en amont, courses diverses, décoration du sapin, cadeaux de Noël à acheter et à emballer… la liste est longue. Et bien souvent, les fêtes de fin d’année riment avec un alourdissement de la charge mentale des femmes, déjà assez importante toute l’année.

Selon la chercheuse Nicole Brais (Université Laval, Québec), la charge mentale c’est :

 ce « travail de gestion, d’organisation et de planification qui est à la fois intangible, incontournable et constant, et qui a pour objectif la satisfaction des besoins de chacun et la bonne marche de la résidence ».

Le mot « intangible » est celui qui me parle le plus car c’est un travail invisible, d’une telle évidence que personne ne le remarque.

Un rapport de l’Insee montre que les femmes consacrent en moyenne 3 heures et demi par jour aux tâches domestiques, contre 2 heures pour les hommes. Entre 1999 et 2010, le temps moyen journalier consacré par les femmes au travail domestique a baissé de 22 minutes et celui des hommes a augmenté d’1 minute.

Les progrès sont donc bien lents et à ce rythme, il faudrait encore des décennies pour arriver à un équilibre en termes de partage des tâches domestiques. Malgré les changements dans les rapports hommes femmes depuis les années 60 et la généralisation de l’activité salariée des femmes, l’écart entre la charge domestique des hommes et des femmes peine à se réduire.

L’inégalité de la répartition de la charge mentale est encore plus présente en période de fêtes :

« Chaque année, c’est moi qui me charge des cadeaux de Noël pour toute la famille, c’est moi qui réfléchis à quoi acheter et qui essaie de récupérer les sommes que j’ai avancées. Et je ne parle même pas des courses et de la cuisine » m’expliquait une patiente cette semaine « de plus en plus, Noël est une contrainte pour moi… je redoute vraiment cette période et je suis soulagée quand elle est passée ».

Une autre patiente me racontait :
« C’est pire que le reste de l’année… je suis submergée par tout ce qui repose sur moi en ce moment, en plus de la surcharge au bureau avec les dossiers à boucler avant la fin d’année ».

En consultation, les femmes expriment leur inquiétude croissante, le sentiment d’injustice à leur égard en cette période où elles se retrouvent seules face à tant de responsabilités et le manque de reconnaissance.

Certaines ont des troubles du sommeil et même des crises d’angoisse à l’idée de ne pas y arriver. Pourtant, elles sont conscientes d’en faire trop, mais la situation ne s’améliore pas, comme si la société entière avait pleinement intégré que les femmes devaient en faire plus.

Mais comment se fait-il que les femmes en font toujours autant ? Comment expliquer que la charge domestique et mentale soient encore reparties de manière très différente entre les hommes et les femmes ?

La masculinité et la féminité sont avant tout le fruit d’une construction sociale, culturelle et historique, qui s’élabore dans le temps. Nos comportements sont la résultante de multiples influences et il est impossible d’imaginer à quoi ressemblerait un être humain dénué d’influences extérieures ou de culture extérieure. Nous venons tous de quelque part, nous avons tous une histoire, une éducation, un vécu et des expériences. Toute notre vie, nos opinions, notre vision de nous-mêmes et notre comportement évoluent en fonction d’interactions avec les autres, de lectures, de films, de contexte social et politique.

L’éducation et la socialisation des filles exercent une influence de premier plan sur cette répartition des tâches. Dès qu’elles sont jeunes, on leur donne des poupées, on leur apprend que leur rôle est de prendre soin des autres, de faire plaisir et d’être gentilles. De fait, les femmes font systématiquement passer les besoins des autres avant les leurs. Parce que dans l’inconscient collectif, l’espace domestique demeure un espace naturellement féminin. Et malgré les progrès dans les mentalités, les petites filles aujourd’hui font encore deux fois plus le ménage que les garçons !

J’observe souvent chez les femmes une culpabilisation à l’idée de ne pas faire « leur part » à la maison, qui prend racine dans leur histoire familiale et dans leur éducation, ce qui laisse penser que nous avons un gros travail à faire en amont avec nos enfants.

Alors comment survivre aux fêtes de fin d’années sans épuisement physique et psychologique ?

1/ D’abord, apprendre à identifier ses besoins et à demander de l’aide. Beaucoup de femmes ne demandent pas d’aide car elles pensent que leur conjoint refusera ou ne pourra pas le faire. Il faut absolument formuler des demandes précises pour éviter de tomber dans les reproches une fois les fêtes passées. Je vous conseille de vous pencher sur la communication non violente, qui offre des clés pour s’exprimer de manière bienveillante tout en exprimant ses propres besoins.

2/ Ensuite, baisser son niveau d’exigence à l’égard de soi-même, en faisant un menu plus simple ou des cadeaux plus faciles à trouver. Je trouve que le pire ennemi de la femme est … la femme elle-même. Apprenons à faire simplement, à faire de notre mieux sans se comparer aux autres et sans aller au-delà de nos limites.

3/Apprendre à lâcher prise, à ne pas toujours être en contrôle de ce qui touche à la famille et à la maison : les choses ne seront peut-être pas faites comme on le voudrait qu’elles soient faites, mais si elles sont faites, c’est déjà pas mal !

4/Prendre du temps pour soi avant les fêtes est nécessaire pour avoir les batteries rechargées et ne pas arriver sur les rotules. Pour pouvoir donner aux autres, il faut d’abord être suffisamment nourrie soi-même en énergie vitale. Rappelez-vous de la métaphore suivante : à bord d’un avion, en cas de dépressurisation de l’appareil, le parent doit absolument mettre le masque à oxygène en premier, avant son enfant, afin d’être en vie pour le lui mettre !

Sinon, je serais bien tentée de vous conseiller de demander au Père Noël de vous prendre sur son traineau vers les pays scandinaves. En Norvège et eu Danemark par exemple, les femmes semblent mieux loties avec « seulement » une heure de plus de tâches ménagères que les hommes, alors que dans les pays méditerranéens où la culture populaire demeure très machiste, les femmes font 3h quotidiennes de plus de ménage que les hommes !

Alors, vous êtes plutôt soleil ou égalité des sexes ?

 

 

Vous aimez...Partagez !