Parmi les nombreuses choses qui ont changé avec le confinement, on peut citer la charge mentale des femmes et l’épuisement qui en découle. Pour avoir entendu des témoignages de femmes de mon entourage ou de patientes en téléconsultation psy, je remarque que beaucoup de femmes sont concernées.
Les tâches ménagères et l’enseignement après 6 semaines on en parle ?
Il y a d’abord les tâches ménagères, régulières, plus importantes que d’habitude, car la famille est à la maison en permanence, ce qui occasionne davantage de travail. Préparer deux repas par jour par exemple, ce n’est pas quelque chose à quoi nous sommes toutes habituées, à part les week-end et les vacances scolaires. Et après 6 semaines de confinement, on commence à en sentir les effets.
Ensuite, gérer l’école à la maison n’est pas de tout repos. Le contenu pédagogique proposé par les enseignants peut parfois ne pas suffire et les parents doivent alors proposer un complément. Mais enseigner est un vrai métier et nous ne sommes pas toutes préparées ou assez douées pour cela.
Contrairement à l’école où l’on dépose ses enfants le matin sans trop se soucier du déroulé de la journée, là on doit réveiller nos enfants qui se couchent souvent plus tard, les motiver à se connecter, gérer les éventuels problèmes techniques sur ordinateur et… veiller à ce qu’ils restent bien devant l’écran. Entre l’enfant de CP qui a tendance à bouger dans tous les sens et l’adolescent qui préfère assister à son cours depuis son lit, autant dire qu’il ne s’agit pas de « déposer » ses enfants devant l’écran.
Quand le télétravail relève de l’exploit
Il y a aussi la question du télétravail, qui est plutôt confortable en temps normal, mais qui relève désormais de l’exploit. Et il est très difficile de ne pas être dérangée et de réussir à se concentrer malgré le bruit, surtout s’il y a des enfants en bas âge. Être là physiquement implique d’être plus souvent dérangée car un enfant a du mal à faire la part des choses entre un parent à la maison, mais indisponible, et un parent à la maison, disponible.
« J’ai l’impression que mes enfants font exprès…dès que je démarre une réunion, ils débarquent dans la pièce… ce qui fait qu’à chaque fois, je stresse… »
me dit une patiente.
Une autre me racontait ce matin :
« Je suis souvent dérangée par les enfants, alors quand les collègues ont des enfants, ça passe encore et on en rit, mais mon patron qui lui, n’en a pas, je vois bien que ça ne le fait pas rire… ».
Qu’est-ce que la charge mentale ?
Au-delà des heures effectives durant lesquelles les femmes s’occupent des enfants et des tâches ménagères, il y a ce qu’on appelle la charge mentale. C’est-à-dire ce temps non quantifiable qui consiste à se demander si tout ce petit monde est occupé, ne manque de rien, aura quelque chose à dîner ce soir.
Une patiente me disait :
« Depuis le confinement, à peine on termine de manger, qu’il faut déjà penser au repas suivant. Je ne suis jamais tranquille dans ma tête… ».
Vous connaissez sans doute les BD d’Emma, illustratrice, à propos de la charge mentale des femmes. J’avais beaucoup aimé son ton juste pour décrire la différence homme-femme quant à cette inquiétude permanente des femmes pour leur famille. Dans le même registre, je vous conseille le livre de Coline Charpentier, prof d’histoire-géo et auteur de « T’as pensé à… ? Guide d’autodéfense sur la charge mentale ».
Elle explique très justement ce que cela représente :
« Pour moi, la charge mentale, c’est quand je continue de travailler mais que je dois prévoir la journée de tout le monde. Quand je ne le fais pas, le soir je retrouve enfants et mari dans un état d’énervement profond. Pour ma tranquillité, je préfère prévoir pour ne pas me retrouver dans cette situation tous les soirs ».
Cette phrase, ô combien juste en période de confinement, ressemble mot pour mot à ce que mes patientes témoignent.
Alors comment faire pour s’en sortir ?
– Tout d’abord, autant que faire se peut, il faut cloisonner les temps de travail et les temps disponibles, et expliquer aux enfants que maman n’est pas dérangeable durant ce temps de travail (pensé au préalable en fonction de l’âge des enfants). C’est important de leur apprendre à différer leur demande et à déranger seulement en cas d’urgence. Et, confinement ou pas, un enfant doit apprendre à attendre lorsqu’il demande quelque chose.
– Pour gérer temps de travail et temps disponible, rien de tel que cloisonner les espaces. Une pièce aménagée en bureau permet de signifier : « ici, c’est mon lieu de travail ».
– En revanche, en temps disponible il faut l’être vraiment. Pas de portable ni d’ordinateur durant les temps de famille et les repas ! Ce qui permet une écoute véritable en dehors des heures de travail. Lorsque vous êtes avec vos enfants, consacrez-vous pleinement à ce que vous faites ensemble. Pour trouver un équilibre, il faudra que les adultes puissent alterner les temps de travail. Un enfant peut s’occuper seul une ou deux heures, mais pas huit. De même, il est difficile pour un adulte de devoir gérer seul une famille de plusieurs enfants, toute la journée et tous les jours. Donc si vous êtes deux, alternez les temps de travail afin que l’un démarre plus tôt et l’autre termine plus tard.
– Responsabilisez vos enfants ! Je crois profondément en leurs ressources. De nombreux témoignages montrent que les enfants peuvent et savent trouver des occupations lorsque les parents sont malades par exemple. Profitez du confinement pour mettre en place une répartition des tâches si vous n’avez pas eu l’occasion de le faire avant. Mettre la table, ranger les courses ou plier du linge est faisable, même par de jeunes enfants. Et ils pourraient même nous surprendre en en faisant davantage.
– Exprimer à nos enfants ou à notre conjoint nos difficultés en mettant des mots sur les émotions ressenties, est fondamental. Plutôt que de leur reprocher leur attitude, exprimez ce que vous ressentez lorsque la charge est trop importante. Instaurez des temps d’échange où chacun exprime ses besoins et inspirez-vous de la communication non violente pour apprendre à parler de votre ressenti, sans accabler l’autre, et à formuler de vraies demandes plutôt que « faire comprendre » ou suggérer sous forme de sous-entendus.
– Enfin, mesdames, acceptez qu’on ne peut pas tout faire et cessez de mettre la barre trop haute. Au défi que la société veut bien nous faire relever, sachons répondre que…non… les femmes ne peuvent pas tout faire et que, quand bien même elles le pourraient, ce ne serait pas souhaitable. Car accepter ses limites est un premier pas vers la diminution de la charge mentale.
En somme, le confinement met à l’épreuve nos capacités d’adaptation et d’évolution et bouleverse notre quotidien. Mais nous pouvons aussi le voir comme l’occasion de changer les mentalités et de rééquilibrer le partage des tâches.
Alors, au travail… mais sans surcharge !
Mon intervention auprès d’un cabinet d’avocats
J’ai participé au webinaire organisé par le cabinet Buchinger au sujet de la charge mentale des femmes pendant la période de confinement.