Le temps psychologique

Si je vous demande de me définir ce qu’est le temps, vous seriez bien ennuyés.
Nous avons tous affaire au temps et nous y sommes tous soumis, mais expliquer le temps est très complexe car sa perception est toujours floue. Alors que de nombreux adjectifs peuvent illustrer d’autres perceptions tels qu’un bruit, une odeur ou encore un son, rien n’est aussi imprécis que les termes que nous employons pour décrire le temps : on dit qu’il est long ou court, qu’il déborde ou file, qu’on court après … mais ça ne dit pas ce que c’est. Et contrairement aux cinq sens perçus grâce à nos récepteurs sensoriels, aucun récepteur à temps n’existe.

Nous apprenons dès notre plus jeune âge des unités de mesure du temps, mais « une heure » est très différente selon les situations, car il n’y a pas une réalité du temps mais plutôt des perceptions du temps et de l’expérience qu’on en fait. Si vous avez des enfants en bas-âge, vous savez qu’un tout-petit comprendra davantage la notion de « trois jours » par « trois dodos » plutôt que par les noms de ces jours, car l’expérience du temps est ce qui le caractérise le mieux.

La distorsion du temps

La distorsion du temps est un phénomène courant : une heure à attendre les résultats d’un examen médical est « plus longue » qu’une heure en compagnie de l’être aimé. Comme s’il y avait un temps objectif, celui indiqué par votre montre, celui sur lequel on est tous d’accord et un temps subjectif, sorte de temps psychologique, qui correspond à la façon dont nous vivons ces unités de mesure et qui dépend de nombreux facteurs.

Dès 1963, des chercheurs ont imaginé une sorte d’horloge interne. De même qu’il existe des horloges indiquant l’heure, notre cerveau est réglé sur une sorte de tic-tac interne qui émettrait des impulsions stockées dans un accumulateur et c’est en fonction du nombre d’impulsions perçues que nous percevons le temps.
Mais notre horloge interne se modifie à partir de différents paramètres, notamment :

  • Nos émotions : sous l’effet de la peur par exemple, le temps change d’allure et semble s’étirer lentement et n’en plus finir. Une étude sur le sujet a été menée en 2011 par S. Droit-Volet et S. Gil, chercheuses au CNRS. Il s’agissait de montrer à des étudiants des extraits de films d’horreur (Scream, Shining..), de films dramatiques (Philadelphia, Dangerous Mind…) ou de séquences neutres (météo) en leur demandant d’évaluer la durée de ce stimulus visuel. Il s’avère que les étudiants ayant visionné des films d’horreur ont perçu le temps comme plus long que ceux qui ont regardé des séquences dramatiques ou neutres. La sensation de peur amènerait donc à une distorsion temporelle. Il en est de même pour les situations dans lesquelles nous éprouvons du stress et de la tension. Sous l’effet de l’émotion, l’horloge interne perçoit alors des tic-tac de plus en plus rapides et comme il y a plus d’impulsions, le temps paraît plus long.
  • Notre activité : Nos capacités d’attention sont déterminantes dans la perception du temps. Plus on est occupés, moins on se rend compte que le temps passe et plus celui-ci semble filer. Quand on est pris par une activité qui nécessite de la concentration, on a le sentiment que le temps passe vite. Ce phénomène a été étudié en psychologie dans des situations de double tâche, c’est-à-dire dans des situations dans lesquelles une personne doit évaluer la durée d’un stimulus (un bruit par exemple) alors qu’il est occupé à autre chose. Plus la chose à laquelle il est occupé est prenante, plus la durée du stimulus lui paraît brève. Parce que son cerveau est occupé à mobiliser ses capacités de traitement de l’information pour l’activité en cours et non à compter le temps. C’est comme si nous « zappons » des tic-tac de notre horloge interne et le temps paraît donc plus rapide.
  • Notre âge : Il a été montré que plus un individu vieillit, plus le temps lui semble passer vite. Les psychologues S. Finch et L. Pring de l’université de Londres ont voulu comparer la manière dont deux groupes de personnes, jeunes adultes et adultes avancés en âge, dataient des événements du passé (comme la chute du mur de Berlin par exemple). Elles ont observé que les personnes âgées avaient tendance à dater les événements beaucoup plus loin dans le temps que leur date réelle. Comme si elles avaient l’impression que plus d’années avaient passé depuis chacun des événements de la liste proposée. Autrement dit : comme si leur temps était passé plus vite. Pour un enfant, tout est inédit et le monde est plein de nouvelles expériences. Cette activité cérébrale et psychique intense donne à l’enfant l’impression que le temps s’écoule lentement. Inversement, plus la personne qui vieillit s’habitue à la répétition de mêmes événements, plus le temps lui semble passer vite.

Vivre son temps plus
qu’il ne l’est vraiment

Alors lorsqu’une personne dit que le temps file alors que l’autre a l’impression que le temps est long, toutes deux ont raison, elles n’ont simplement pas ressenti la même chose ni eu la même activité pendant ce temps-là. Cela signifie que nous pouvons «vivre » le temps comme plus long ou plus court qu’il ne l’est vraiment.
Finalement, nous avons souvent l’impression de subir le temps, mais nous avons notre propre temps : un équilibre entre ce que nous faisons, la façon dont nous nous sentons, les interactions que nous avons avec les autres et indépendamment de sa durée, notre temps est tout simplement celui qui fait sens pour nous.

 

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