Squid Game et images violentes : comment faire avec nos enfants ?

Depuis quelques temps, la série Squid Game affole les réseaux sociaux et la presse. Non seulement, c’est le plus gros succès Netflix du moment (visionné par plus de 100 millions d’abonnés), mais sa violence extrême déclenche de vives réactions auprès du public.

Squid Game : un impact dévastateur sur les enfants

Du coté des éducateurs et des enseignants, dans les blogs de parents, dans la presse et même au sein du gouvernement depuis lundi (18/10/2021), on ne cesse de parler de l‘impact dévastateur de cette série sur les enfants et de craindre un mimétisme de cette violence dans les établissements scolaires, en lançant des alertes.

Avant d’écrire cet article, j’ai visionné le début de cette série interdite aux moins de 16 ans et j’avoue que j’ai eu froid dans le dos !
Le bain de sang commence rapidement, l’état d’esprit de la série est très pervers et l’impact potentiellement traumatique des images sur les enfants est indéniable.

Pour ceux qui n’ont pas encore regardé la série, je vous fais le pitch. Squid Game est une série sud-coréenne, une sorte de dystopie qui met en scène des personnages coréens issus des milieux les plus défavorisés, qui participent à des jeux d’enfants dans le but de gagner l’équivalent de 30 millions d’euros. Rapidement, les participants se rendent compte que l’issue du jeu « 1, 2, 3 Soleil » n’est pas juste une élimination, mais une mort par balle. Lors de ce jeu, les perdants sont exécutés sur-le-champ tandis que les gagnants restent terrifiés par les images de leurs partenaires de jeu qui agonisent ensanglantés à leurs côtés. Le climat de la série est tendu et les acteurs sont constamment en train de trembler, de s’angoisser et de subir des menaces extrêmes.

#squidgame : une double lecture pour enfants et adultes

Ces images d’une grande violence reflètent aussi l’idée sous-jacente véhiculée par la série : ne surtout pas être du côté des pauvres et être prêt à tout pour gagner de l’argent. Tout est permis du moment où l’on peut éponger ses dettes et se sortir de la misère !
Bien évidemment, les adultes qui arriveront à aller au-delà de la violence de l’image, y verront une critique intéressante de la société capitaliste moderne, mais je ne suis pas certaine que les enfants iront jusque-là.

Le succès de la série sur Netflix est impressionnant : non seulement elle est hissée en tête du top mondial, mais elle s’accompagne également de nombreuses vidéos sur TikTok avec le hashtag #squidgame. Dans ces séquences, des enfants et des adolescents jouent entre eux à des jeux similaires, et les perdants reçoivent des coups. Et dans les cours de récré en France et ailleurs, on assiste depuis, à des jeux qui terminent mal.

Sur un groupe de militants anti-écrans, j’ai pu lire des certains commentaires sur le sujet comme : « ne laissez pas de tablette à vos enfants », « désabonnez-vous de Netflix » ou encore « interdisez-leur tout accès aux séries ».

En tant que psychologue, permettez-moi de trouver cela un peu simpliste et de donner mon opinion sur une situation plus complexe que cela.

La problématique des scènes violentes renvoie à l’importance de la prévention et questionne notre responsabilité de parents. Comment protéger nos enfants des images traumatiques, puisque nous savons les protéger des autres dangers de la vie ?

Comment protéger nos enfants des images violentes, puisque nous savons les protéger des autres dangers de la vie ?

Lorsque nos enfants passent leur permis par exemple et acquièrent leur première voiture, on leur fait moults recommandations : respecter les priorités, ne pas dépasser les vitesses autorisées, ne pas boire avant de prendre le volant, et on protège ainsi leur intégrité physique. Et c’est notre rôle d’adulte de leur assurer de la sécurité, sur tous les plans.

En revanche, j’observe autour de moi que lorsqu’il s’agit de leur fournir une tablette, un smartphone ou un écran, on oublie souvent de leur donner « les codes », de les mettre en garde sur ce qui peut être dangereux sur les écrans. Alors qu’en tant qu’adulte, que nous savons bien qu’internet est loin d’être un endroit calme et tranquille.

Il est facile de dire « c’est la faute de Netflix » mais je ne suis pas certaine que cela fasse beaucoup avancer les choses.

Netflix continuera à produire des séries à succès et même si vous interdisez tout accès aux séries à votre enfant, il n’est pas dit que chez un voisin, un copain ou dans la cour de récréation, il ne visionne pas ces images.  Alors que faire ?

Il ne s’agit pas de baisser les bras ni de laisser la banalisation de la violence s’installer, mais plutôt d’informer nos enfants pour les protéger, comme nous le faisons au sujet des maladies, des agressions, ou des accidents.

L’impact des images violentes sur les enfants

L’impact des images violentes est plus important qu’on ne le croit et je reçois souvent des enfants (jeunes ou moins jeunes) qui ont du mal à s’endormir, qui font des cauchemars ou qui sont agressifs à l’école après avoir vu tel ou tel film.

Il faut mettre en garde nos enfants contre les risques qu’ils encourent à voir des images violentes et leur expliquer que le cerveau mémorise les images qui génèrent des émotions fortes. Et que ce qu’ils ressentent à ce moment-là peut ressurgir à d’autres moments et dans d’autres contexte et les envahir à leur insu. Car sur les milliards d’informations que notre cerveau perçoit chaque jour, les images à caractère choquant, inhabituel, violent sont celles qui s’imprègnent le plus en nous.

Assurer l’intégrité physique de nos enfants mais aussi leur sécurité affective

Car le problème avec l’interdit et la rigidité, est que les enfants finissent par voir ce qu’ils veulent en cachette, seuls dans leur chambre et je pense que dans les familles, il s’agit moins d’interdire que de savoir ce que les enfants regardent et partager avec eux des discussions à ce sujet.

Si assurer l’intégrité physique de nos enfants est primordial, il faut aussi leur assurer la sécurité affective et leur apprendre qu’ils ont le droit de refuser de voir certaines images si elles les dérangent. Cela peut être l’occasion de leur rappeler qu’on peut être différent des autres et s’accepter quand même et que plus nous acceptons d’être différents, plus les autres nous respectent.

Que faire si notre enfant a déjà vu la série Squid Game ?

S’ils ont déjà vu la série ou des extraits, il est important d’instaurer un dialogue avec eux et leur permettre de verbaliser ce qu’ils ont ressenti : de la peur, du dégout, de la honte devant les camarades qui ont l’air de trouver ça « cool ». Il faut leur offrir un espace qui leur permette de mettre des mots, de formuler d’éventuelles inquiétudes et leur rappeler que les images ont le pouvoir qu’on leur donne.

Parler de sa peur et l’extérioriser, permet de prendre de la distance sur le plan émotionnel.

Autoriser l’enfant à exprimer son ressenti et partager le vôtre avec lui, l’aidera à relativiser et à remettre les choses dans leur contexte : ceci est une fiction et heureusement que la société ne fonctionne pas comme cela.

La série peut donner l’occasion d’un dialogue autour de la précarité et de la corruption et montrer comment les inégalités peuvent anéantir certains. Un débat intéressant peut aussi avoir lieu quant aux limites de ce qu’on est prêt à faire pour avoir de l’argent, à un âge où l’on cherche à en avoir par tous les moyens.

En matière d’éducation, le dialogue est à privilégier car il instaure un climat de confiance qui aidera l’enfant à grandir. Et il ne faut pas oublier que ce qui permet l’autonomie justement, c’est la sécurité affective qui la précède.

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